Le phénomène du diagnostic de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est un phénomène en pleine croissance, surtout au Québec (1). Dans cet article, j’aimerais vous offrir certaines pistes de réflexion sur ce phénomène ainsi que sur les façons d’en cerner la ou les causes. Il serait opportun de mentionner ici que malgré le fait que j’ai suivi des centaines d’enfants ayant reçu un diagnostic de TDAH, c’est le diagnostic de TDA de l’un de mes fils qui fait que ma réflexion n’est pas purement académique.

Dans cet article, je vais insister sur l’aspect biochimique et nutritionnel du TDAH. En faisant cela, je ne veux en aucun cas minimiser les facteurs non nutritionnels tels que l’équilibre psychospirituel, l’activité physique et le milieu psychosocial. Ceux-ci aussi devront être pris en considération lorsqu’il est question d’aider un individu présentant un TDAH. Concernant justement les aspects psychologique et social, je vous invite à vous intéresser de près aux travaux de Joël Monzée, docteur en neurosciences, qui apporte un autre éclairage sur cette condition. Vous pouvez l’entendre dans cette entrevue : https://psychologieetneurosciences.com/le-tdah-et-si-cetait-bien-different/

Commençons par une définition

Trois symptômes caractérisent le TDAH :

  1. inattention,
  2. hyperactivité,
  3. et impulsivité.

Ils peuvent être présents à des degrés divers et donner des portraits différents.
Par exemple, un enfant toujours “dans la lune”, qui ne termine pas ses devoirs, qui ne retient pas les consignes et qui perd constamment ses objets personnels, mais qui n’est pas particulièrement agité, pourrait être atteint d’un TDAH.

Un autre, surtout hyperactif, impulsif et agité, mais qui arrive à relativement bien se concentrer lorsque les tâches l’intéressent, pourrait aussi en être atteint. En général, l’hyperactivité et l’impulsivité sont plus accentuées chez les garçons que chez les filles (2). »

Il est intéressant de souligner que jusqu’à récemment, il y a toujours eu de « petits tannants», des enfants « dans la lune », « artistiques » ou « agités », dont le comportement ne semblait pas requérir l’utilisation de médication. Le développement de la catégorie diagnostique ainsi que le phénomène de la médicalisation du TDAH sont en effet récents (3).

La médication officielle

Lorsqu’un enfant (ou un adulte) reçoit un diagnostic de TDAH, on lui recommande généralement de la médication. Cette médication est soit à base d’amphétamines (DexedrineMD, AdderallMD ou VyvanseMD) ou de méthylphénidate (RitalinMD, BiphentinMD ou ConcertaMD). Ces médicaments donnent réellement des effets cliniques tangibles. Les enfants se concentrent mieux et ils sont moins hyperactifs.
Or, ces effets sont obtenus à un coût important. En effet, ces médicaments peuvent causer d’importants symptômes tels que l’insomnie, la perte d’appétit, un ralentissement de la croissance, l’hypertension artérielle (6), l’anxiété et l’irritabilité. Certaines études suggèrent que le Ritalin pourrait causer des changements neurologiques au cerveau semblables ou plus intenses que ceux causés par la cocaïne (7).

Mon but ici n’est pas d’affirmer s’il faut ou non prendre une médication en cas de TDAH. Ce n’est pas mon rôle en tant que naturopathe, on s’entend. Or, dans un contexte où la médication pour le TDAH est souvent banalisée et la seule option proposée, il est important de prendre un pas de recul pour regarder les faits. S’il a été clairement démontré que le traitement médicamenteux est efficace à court terme, il reste que ce n’est pas nécessairement le cas à long terme. Nous avons d’ailleurs très peu de données sur les possibles effets à long terme. Nous pouvons aussi nous demander pourquoi au Québec un diagnostic mène presque systématiquement à la prise d’une médication, alors qu’en Europe, une approche éducative, sociale et psychothérapeutique est officiellement préférée. La médication y est, en principe, réservée aux cas les plus sévères. Le taux de prévalence de consommation au Québec est trois fois plus élevé que dans le reste du Canada. Le taux de prévalence du TDAH chez les adolescents québécois, lui, est de deux à trois fois plus élevé que celui observé dans la population mondiale. Pourquoi ?

Approches naturelles, vive la confusion !

Étant donné les effets indésirables ci-haut mentionnés, on peut comprendre que des parents veuillent trouver une autre solution à la prise de médicaments.
Mais lorsqu’ils étudient les différentes approches naturelles, ils sont vite confus face à l’immense palette de possibilités qui promettent tous d’excellents résultats. Même si certains, voire plusieurs, ont démontré d’excellents résultats, j’aimerais vous en suggérer quelques-uns qui donnent les résultats les plus probants lorsqu’il s’agit de TDAH.

Intolérances ou hypersensibilités retardées

Les intolérances alimentaires ou hypersensibilités retardées peuvent souvent jouer un rôle par rapport au TDAH. En effet, déjà en 1993, des chercheurs ont noté l’influence de certains aliments sur les symptômes d’enfants atteints de déficit de l’attention (8). En 2008, une étude soulignant la même hypothèse a été publiée dans l’European Child and Adolescent Psychiatry (9). Les mêmes auteurs ont publié une autre étude confirmant leurs données dans la prestigieuse revue médicale britannique Lancet, en 2011 (10).

Dans mon expérience clinique, le blé, les produits laitiers et le sucre semblent être les aliments qui reviennent le plus souvent lorsqu’il y a des intolérances alimentaires chez les individus souffrant de TDAH. Cela ne veut pas dire que votre enfant est intolérant, mais c’est une piste importante à suivre.

Dans les années 1970, le Dr Benjamin Feingold avait découvert que lorsque des enfants atteints de TDAH recevaient une alimentation dans laquelle il y avait des additifs chimiques, dont des colorants artificiels, les symptômes de TDAH étaient exacerbés. Malgré des critiques acerbes de la part de médecins, les recherches de Feingold ont mené à l’élimination de la majorité des colorants artificiels dans les produits alimentaires britanniques dès 2009 (11).

Carences nutritionnelles et nutriments clefs

Plusieurs études ont souligné le rôle de certaines carences nutritionnelles dans les symptômes de TDAH (12). Celles qui sont les plus probantes sont la vitamine B6, le magnésium et les acides gras oméga-3. L’utilisation conjointe de vitamine B6 et de magnésium a d’ailleurs donné de très bons résultats dans certaines études (13). L’utilisation de suppléments d’oméga-3 a aussi démontré des effets bénéfiques (14).

Petit déjeuner et protéines

Trop d’enfants ne déjeunent pas ou, s’ils déjeunent, consomment des aliments trop sucrés et peu protéinés. L’enfant a besoin de manger le matin et son déjeuner doit comprendre peu de sucre et une quantité suffisante de protéines. En effet, plusieurs importantes études ont conclu que les protéines alimentaires et la consommation d’un bon petit déjeuner ont une incidence essentielle sur le comportement et la capacité d’apprentissage des enfants (15).

Stress et cortisol

Le stress et la production de cortisol, l’une des hormones du stress, sont une nouvelle piste que des chercheurs scandinaves ont découverte en ce qui concerne le TDAH. Ils ont noté que plusieurs enfants atteints de ce désordre avaient un niveau de cortisol de base très différent des enfants sans TDAH (16). Cette piste est en effet intéressante, considérant que la consommation accrue de protéines, la réduction de sucres ainsi que l’apport accru en magnésium s’avèrent importants pour réduire les effets du stress.

Une approche intégrée

Malheureusement, la tendance est d’essayer un changement de régime ou un supplément à la fois plutôt que d’avoir recours à une approche intégrée. Cette tendance peut donner des résultats erronés, car un enfant peut avoir à la fois des intolérances alimentaires et des carences nutritionnelles. Laissez-moi donc suggérer une approche nutritionnelle intégrée qui pourra cibler la plupart des problèmes associés au TDAH. Un professionnel de la santé ayant une approche intégrée pourra vous guider de façon plus personnalisée lors de cette démarche.

  1. Assurez-vous que l’enfant déjeune et que le petit déjeuner contienne peu de sucres (y compris les jus de fruits) et suffisamment de protéines. La quantité de protéines devrait dépasser celle des glucides ou des sucres. Eh oui, plus de protéines que de sucre !
  2. Évitez les sucres concentrés aux collations – y compris le jus de fruits. Préférez les fruits entiers et assurez-vous que la collation contienne toujours une protéine telle que du fromage, du houmous, un œuf cuit dur ou une barre protéinée.
  3. Sans nécessairement faire un régime sans gluten ou sans produits laitiers, éliminez le blé et le lait de l’alimentation de votre enfant. Votre enfant aura autant de calcium en consommant du fromage ou du yogourt de qualité. Préférez les grains anciens tels que le kamut et l’épeautre. Dans certains cas, les tests pour intolérances alimentaires ou l’arrêt complet de gluten et de produits laitiers peuvent s’avérer utiles afin de déterminer s’il y a intolérance alimentaire.
  4. Évitez, dans la mesure du possible, les colorants alimentaires.
  5. Une supplémentation de magnésium, de vitamine B6 et d’oméga-3 peut s’avérer très utile.

Néanmoins, il est préférable de consulter un professionnel de la santé avant de supplémenter un enfant. Ceci est particulièrement IMPORTANT si votre enfant prend de la médication.

Cette approche nutritionnelle est incontournable si l’on veut voir une amélioration dans les symptômes de nos enfants. D’ailleurs, la Société canadienne de pédiatrie reconnaît l’intérêt de mettre en place un régime d’élimination (éviter les colorants alimentaires, etc), de supplémenter en acides gras libres (omégas 3) et d’inclure de l’exercice physique (17).

Toutefois, cette approche n’est pas toujours facile à suivre, car les aliments les plus néfastes sont souvent ceux dont raffolent les enfants. Or, en trente ans de pratique, je peux affirmer qu’il y a peu d’enfants atteints d’un TDAH qui ne bénéficient pas d’un programme alimentaire intelligent comme celui-ci, complémenté par une bonne dose d’exercice et de discipline, le tout recouvert de beaucoup d’amour.

Ça en vaut la peine.

Daniel Crisafi pratique la naturopathie depuis près de trente ans. Il détient un doctorat (PhD) avec spécialisation en biochimie de la nutrition. Auteur de plusieurs livres, le Dr Crisafi est aussi directeur clinique de pH Santé Beauté.

Références

1-Mercure, Philippe Ritalin : la consommation atteint des records au Québec, La Presse 09 mars 2015
2-http://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?
doc=trouble_deficit_attention_hyperactivite_pm
3-Klaus W. Lange, Susanne Reichl, Katharina M. Lange, Lara Tucha, and Oliver Tucha, The history of attention deficit hyperactivity disorder Atten Defic Hyperact Disord. 2010 Dec; 2(4): 241–255.
4-Still, George F (12 April 1902). The Goulstonian Lec- tures: On Some Abnormal Psychical Conditions in Children. Lancet 159 (4102): 1008–1013.
5-Kimberly Holland and Valencia Higuera The History of ADHD: A Timeline, Healthline 26 février, 2015
6-Vitiello et al Blood pressure and heart rate in the multimodal treatment of attention deficit/hyperactivity disorder study over 10 years. American Journal of Psychiatry.2011 Sep 2
7-Kim, Yong NIDA Study Shows That Methylphenidate Causes Neuronal Changes in Brain Reward Reas, That US National Institutes of Health, National Institute on Drug Abuse, 2 feb., 2009
8-Carter, M Urbanowicz, R Hemsley, L Mantilla, S Strobel, P J Graham, E Taylor Effects of a few food diet in attention deficit disorder C M Archives of Disease in Childhood 1993; 69: 564-568
9-Lidy M.J. Pelsser, Klaas Frankena, Jan Toorman, Huub F.J. Savelkoul , Rob Rodrigues Pereira, Jan K. Buitelaar Randomised controlled trial into the effects of food on ADHD J. Eur Child Adolesc Psychiatry (2008)
10-Pelsser LM, Frankena K, Toorman J,t al. Effects of a restricted elimination diet on the behaviour of children with attention-deficit hyperactivity disorder (INCA study): a randomised controlled trial. Lancet 2011; 377: 494-503
11-Robin B Kanarek Artificial food dyes and attention deficit hyperactivity disorder Nutrition reviews 385- 3911 July 2011
12-Loscalzo, Ritamarie, An Integrated Approach to the Management of Attention Deficit Hyperactivity Disor- der (ADHD) in Children: The Role of Dietary and Nutri- tional Interventions. Nutritional Perspectives: Journal of the Council on Nutrition . Oct 2004, Vol. 27
13-Mousain-Bosc M, Roche M, Polge A, Pradal-Prat D, Rapin J, Bali JP. Improvement of neurobehavioral dis- orders in children supplemented with magnesium-vitamin B6. I. Attention deficit hyperactivity disorders. Magnes Res. 2006 Mar;19(1):46-52.
14-Aben A, Danckaerts M. Omega-3 and omega-6 fatty acids in the treatment of children and adolescents with ADHD. Tijdschr Psychiatr. 2010; 52 (2):89-97.
15-Jennifer Dani, Courtney Burrill, Barbara Demmig‐ Adams, The remarkable role of nutrition in learning and behaviour, Nutrition & Food Science, Vol. 35 Iss: 4, pp.258 – 263 (2005)
16-Isaksson, J. 2014. ADHD and stress. Diurnal cortisol levels, early psychosocial adversity and perceived stress. Digital Comprehensive Summaries of Uppsala Dissertations from the Faculty of Medicine 957. 59 pp. Uppsala: Ac- ta Universitatis Upsaliensis
17- https://cps.ca/uploads/tools/ADHD-FR-guide-cliniciens.pdf

Daniel Crisafi, ND.A.

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