Hygiène de sommeil,rythme circadien et santé métabolique

par | Habitudes de vie, Texte avancé pour thérapeutes ou professionnels de la santé

Rythme circadien et santé métabolique

Nous passerons près d’un tier de notre vie à dormir. Si vous savez bien sûr que le sommeil permet de se reposer, saviez-vous qu’il est impliqué dans bien d’autres fonctions biologiques? Le sommeil fait partie de notre horloge interne, le rythme circadien. Presque toutes les fonctions de notre organisme sont régies par ce rythme.

Dans ce qui suit, nous allons regarder de plus près le rythme circadien et nous intéresser à trois facteurs d’influence sur celui-ci : la lumière, l’activité physique et la caféine.

Puis nous allons nous attarder aux impacts du manque de sommeil sur notre santé métabolique particulièrement.

Le rythme circadien

Provient de circa : « proche de » et diem : « un jour ».

Tous les animaux et végétaux ont leur propre horloge interne, programmée selon leur espèce. Chez l’humain, ce rythme interne suit un cycle de 24 heures, et se resynchronise chaque jour. Cette horloge se trouve dans l’hypothalamus et est composée de deux noyaux suprachiasmatiques. Ceux-ci innervent différentes régions de notre cerveau régulant l’ensemble de nos fonctions biologiques. Ils entraînent aussi la production cyclique d’hormones agissant à distance, sur d’autres fonctions.

Exemples de fonctions contrôlées par le rythme circadien :

  • La température corporelle
  • La pression sanguine
  • La production hormonale : cortisol, hormone de croissance, testostérone
  • La biochimie de votre système nerveux
  • L’inflammation et votre système immunitaire en général
  • Le métabolisme cellulaire
  • Réparation de l’ADN
  • Etc

Notre horloge interne peut être modulée par des agents extérieurs dont le plus puissant est la lumière.

Rôle de la lumière sur le rythme circadien

L’exposition à la lumière pendant la journée, et à l’obscurité pendant la nuit, permettent le plus fortement de synchroniser l’horloge biologique à un cycle de 24 heures.

La lumière est captée au niveau de la rétine de l’œil par un groupe de cellules photoréceptrices particulières : les cellules ganglionnaires à mélanopsine. La lumière perçue est alors transmise aux noyaux suprachiasmatiques du cerveau qui relaient l’information jusqu’à une petite glande, l’épiphyse. Celle-ci sécrète en fin de journée la mélatonine, notre hormone responsable de l’endormissement. La luminosité extérieure peut stimuler ou diminuer sa production.

Les effets de la lumière sur l’horloge circadienne dépendent de plusieurs paramètres:

  • l’heure de l’exposition lumineuse : L’exposition à la lumière, le soir, retarde la production de mélatonine, et donc l’endormissement. Une exposition lumineuse le matin va, au contraire, avancer l’horloge.
  • l’intensité lumineuse: les effets négatifs de la lumière en fin de journée seraient plus faibles si l’exposition en journée a été importante.
  • la durée de l’exposition à la lumière;
  • le spectre de la lumière: L’effet de la lumière sur notre horloge interne dépend aussi de son spectre (sa couleur) et sera d’autant plus important qu’il sera riche en longueurs d’ondes bleues (~460–500 nm).

La lumière bleue

La lumière bleue est à la base une lumière naturelle du soleil. L’exposition en journée active le cycle de veille, générant plus d’énergie et stimulant notre vivacité d’esprit. Or, plusieurs de nos appareils numériques génèrent également une lumière bleue : les écrans LED des ordinateurs, la tablette numérique, les téléviseurs et les cellulaires. Pour une même intensité lumineuse perçue, la lumière bleue active 70 fois plus les cellules photoréceptrices de la rétine que la lumière blanche d’une lampe fluorescente. Cela engendre le message d’une exposition massive à la lumière, directement transmis aux noyaux suprachiasmatiques. La lumière bleue naturelle ou artificielle inhibe la production de mélatonine et favorise celle du cortisol. En journée ce n’est pas un problème, au contraire, mais en fin de journée cela peut retarder l’endormissement. Une exposition de deux heures à la lumière bleue en soirée peut entraîner une baisse de 20% de la production de mélatonine.

Et le travail de nuit, alors?

Le travail de nuit provoque une désynchronisation de l’horloge biologique en raison des changements d’exposition à la lumière. De nombreuses études sont parues sur les liens entre le travail de nuit et les risques sur la santé, dont celui de développer un cancer (lymphome, prostate, colorectal ou du sein). Par exemple, les femmes non ménopausées travaillant 3 heures ou plus entre minuit et 5 h du matin ont un risque de cancer du sein augmenté de 26%. Ce risque augmente avec la fréquence des nuits travaillées et la durée de l’emploi. Le travail de nuit n’est donc vraiment pas en phase avec les besoins naturels de l’organisme humain.

Comment l’activité physique peut influencer notre sommeil ?

L’activité physique peut être définie par tout mouvement qui entraîne une dépense énergétique comprenant les tâches quotidiennes, telles que les activités ménagères et les déplacements. Les personnes qui bougent régulièrement dorment mieux et plus longtemps que celles qui ont un mode de vie sédentaire. Tout comme la lumière, la pratique de l’exercice physique aurait un effet régulateur puissant sur le rythme circadien. Il augmente la production d’adénosine, un neurotransmetteur impliqué dans l’endormissement. Son accumulation favoriserait le sommeil. Pratiqué en extérieur, nous pouvons alors profiter des effets de la lumière sur la sécrétion de mélatonine et de l’exercice sur celle de l’adénosine! Ajoutons que l’activité physique a simplement aussi des effets anxiolytiques et antidépresseurs facilitant le sommeil.

Il faut cependant faire attention car lorsqu’il est effectué trop tard dans la soirée, il peut perturber le sommeil en augmentant l’éveil physiologique. L’exercice physique, si pratiquée tard le soir, devrait être doux et relaxant.

La caféine : une molécule stimulante

La caféine est un stimulant du système nerveux central et du métabolisme. Elle se retrouve dans le café, le thé, le chocolat, les boissons énergisantes et les boissons gazeuses. La plupart des adultes consomment quotidiennement de la caféine (café, boissons énergisantes, thé ou autres boissons), avec un apport moyen de 200 mg/jour.

La caféine est très rapidement et intégralement absorbée par le tube digestif, et parvient au cerveau dès la 5e minute suivant l’ingestion. Elle passe facilement la barrière hémato-encéphalique grâce à sa ressemblance avec l’adénosine.

Mentionnons que son passage dans le lait maternel est important : sa concentration y est égale à 50 % de la concentration plasmatique de la mère.

La demi-vie de la caféine se situe entre 2 et 10 h, en fonction de divers facteurs. Par exemples, la nicotine peut accélérer le métabolisme de la caféine jusqu’à 50 %, alors que la pilule contraceptive le ralentira. L’effet résiduel de la caféine peut durer plus de 10 h, voire jusqu’à 20 h. (10)

La caféine agit sur le système nerveux central comme un antagoniste des récepteurs de l’adénosine. Elle pourrait se lier aux récepteurs A1 et A2A, impliqués dans le sommeil, les fonctions cognitives et l’éveil du cerveau. La consommation de café entraîne une diminution de la sécrétion de 6-sulfatoxymélatonine, principal métabolite de la mélatonine. C’est l’un des mécanismes pouvant provoquer l’interruption du sommeil. (10) Les effets négatifs de la consommation de caféine (trop ou trop tard) sur le sommeil peuvent ne se ressentir que le lendemain. En effet, une dose modérée de caféine prise le matin peut affecter négativement la sécrétion de mélatonine de la nuit suivante. (11)

 

Le manque de sommeil, promoteur des maladies chroniques

Comme nous venons de le voir, le rythme circadien régule l’ensemble des fonctions de notre organisme. Sa désynchronisation pourrait donc avoir des impacts importants sur notre santé.  Attardons-nous particulièrement à son impact sur la santé métabolique, l’aspect pesant le plus lourd actuellement sur notre système de santé.

Une perturbation du rythme circadien peut faciliter l’apparition du syndrome métabolique ou syndrome x. Ce syndrome est caractérisé par un ensemble de marqueurs de risques pour l’apparition de maladies chroniques telles que le diabète ou les maladies cardiovasculaires.

Critères du syndrome métabolique :

  • Hypertension artérielle
  • Résistance à l’insuline/hyperglycémie
  • Obésité abdominale
  • Hypertriglycéridémie
  • Faible taux de HDL

Les études ont mis en évidence des modifications importantes du métabolisme du glucose en cas de privation de sommeil :

  • réduction de 30% de la réponse insulinique
  • augmentation de 50% de la résistance à l’insuline

Des études chez l’homme montrent que les personnes dormant moins de 7 h ont un risque augmenté de maladies cardiovasculaires et de mortalité. L’être humain semble donc avoir besoin d’un minimum de 7 h de sommeil.

Les mécanismes pouvant expliquer ces modifications et risques sont complexes et faiblement compris. Cependant, il a été observé que le manque de sommeil avait tendance à faire augmenter le taux de cortisol, à activer le système nerveux orthosympathique, et à élever les niveaux de catécholamines : noradrénaline et adrénaline. Ces changements engendrent une hausse de la température corporelle et accélèrent le rythme cardiaque, rendant la transition entre sommeil profond et le sommeil léger plus difficile. Des chercheurs se demandent si ces changements contribuent aux modifications du métabolisme du glucose.

De plus, le sommeil est le principal régulateur de l’activité de la leptine (hormone de la satiété) et de la ghréline (hormone de la faim), les hormones de l’appétit. Un manque ou un excès de sommeil peut perturber l’activité de ces hormones et ainsi affecter la prise alimentaire et donc la prise de poids. Certaines études démontrent même qu’une quantité de sommeil adéquate est essentielle au maintien de la masse maigre (principalement la masse musculaire) qui détermine le métabolisme de base.

Le manque de sommeil serait aussi proinflammatoire. Le manque de sommeil peut entraîner une augmentation des concentrations des marqueurs inflammatoires, comme la protéine C-réactive (CRP). Une élévation importante de celle-ci est associée à un risque significativement augmenté d’AVC ischémique et d’infarctus. Cette augmentation a également été corrélée à l’apparition secondaire du diabète de type 2 et du syndrome métabolique. La CRP a pu être détectée au sein même des plaques d’athérome et serait produite localement dans les vaisseaux. Elle entraîne l’expression de molécules d’adhésions facilitant la fixation des leucocytes sur l’endothélium.

Notons au passage que les experts de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), estiment que la quantité moyenne de sommeil a diminué de 90 minutes par jour au cours des 50 dernières années.

Hygiène de base pour favoriser le sommeil

  • Exposez-vous à la lumière naturelle en journée.
  • Veillez à réduire la durée d’exposition aux écrans de façon générale.
  • Les sortir de la chambre à coucher
  • Interrompre leur utilisation au moins 1 h avant le sommeil.
  • Il est possible de se procurer des filtres à lumière bleue ou de télécharger des applications permettant de réduire l’émission de ces lumières à partir des écrans.
  • Optez pour une lumière chaude (jaune) et tamisée dans la chambre à coucher.
  • Réduisez légèrement la luminosité de l’écran.
  • Si l’exposition est prolongée et fréquente, portez des verres protecteurs.
  • Dormez dans une pièce sombre et au calme.
  • Adoptez un horaire de sommeil régulier
  • Soyez actif physiquement régulièrement.
  • Évitez les stimulants en soirée : café, thé, chocolat. Et limiter la consommation en journée.

 

En conclusion, si nous souhaitons prendre soin de notre santé, il est essentiel d’inclure l’hygiène du sommeil dans les habitudes de vie à optimiser. Encore une fois, le cycle de la nature nous démontre à quel point nous sommes interreliés et que notre équilibre dépend du respect de ce cycle. Si les technologies modernes font parties intégrantes de notre vie, il demeure indispensable de les utiliser en toute connaissance de cause.

 

Ce texte a été co-écrit par Mélissa Viger ND.A et Nathalie Beringhs ND. A 

 

Références :

  1. Sleep foundation : https://www.sleepfoundation.org/insomnia/what-causes-insomnia, consulté le 11 janvier 2023.
  2. Sejbuk M, Mirończuk-Chodakowska I, Witkowska A. Sleep Quality: A Narrative Review on Nutrition, Stimulants, and Physical Activity as Important Factors , Nutrients. 2022 May; 14(9): 1912.
  3. Watson N.F., Buchwald D., Vitiello M., Noonan C., Goldberg J. A twin study of sleep duration and body mass Index. Clin. Sleep Med. 2010;6:11–17.
  4. O’Callaghan F., Muurlink O., Reid N. Effects of caffeine on sleep quality and daytime functioning. Risk Manag. Health Policy. 2018;11:263–271.
  5. Landolt H.-P., Werth E., Borbély A.A., Dijk D.-J. Caffeine intake (200 mg) in the morning affects human sleep and EEG power spectra at night. Brain Res. 1995;675:67–74.
  6. Rutter MK, Meigs JB, Sullivan LM et al. C-reactive protein, the metabolic syndrome, and prediction of cardiovascular events in the Framingham offspring study. Circulation 2004;
    110:380-5.
  7. https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/1545_SommeilProbPoidsNouvPistInte.pdf
  8. nedeltCheva, a. v., j. m. KilKuS, j. imperial, d. a. SChoeller et p. d. penev (2010). « Insufficient sleep undermines dietary efforts to reduce adiposity », Annals of Internal Medicine, vol. 153, n o 7, p. 435-441
  9. Spiegel K, Leproult R, Van Cauter E. Impact of sleep debt on metabolic and endocrin function.Lancet, 1999
  10. Ferrie JE, Shipley MJ, Cappuccio FP, et al. A prospective study of change in sleep duration : association with mortality in the Whitehall II cohort. Sleep 2007
Nathalie Béringhs, ND.A.

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