Le tussilage (Tussilago farfara)

Le tussilage (Tussilago farfara)

 

Le tussilage porte de multiples surnoms: racine de peste, chasse-toux, chou de vigne, herbe de saint Quentin, pas d’âne, etc. Au début du printemps, nous le voyons fleurir, et c’est le bon moment pour le cueillir!

Ses fleurs sont parfois confondues avec celles du pissenlit. D’ailleurs, les deux plantes sont de la même famille: les Astéracées. Les distinguer est toutefois très facile. Le tussilage présente des feuilles en formes de large sabot d’âne alors que le pissenlit possède de longues et étroites feuilles dentelées. Dès que ses feuilles apparaissent au mois de juin, les fleurs ont disparu. L’envers de la feuille du tussilage est couvert de feutre blanc.

Plante bénéfique ou mauvaise herbe?

Le tussilage est d’origine eurasiatique, et a été introduit en Amérique du Nord en tant que plante médicinale. Il s’est depuis répandu dans nos champs, comme une « mauvaise herbe » dans les cultures. Avec ses feuilles denses et larges, il étouffe les plantes indigènes et peut arriver à dominer le paysage. C’est une des plantes les plus difficiles à contrôler. Le jardinier paresseux dit justement à son sujet:

« Une fois établie, le tussilage s’étend rapidement par rhizomes souterrains. Comme ces rhizomes peuvent descendre jusqu’à 3 m de profondeur, vous comprendrez qu’utiliser le sarclage pour l’éliminer est une perte de temps. De plus, sarcler sectionne les rhizomes et tout morceau qui reste dans le sol donnera un nouveau plant. Ainsi, très souvent, plus vous sarclez, plus le tussilage s’étend. On peut couvrir le sol d’une bâche noire ou d’un morceau de tapis pour couper toute lumière au tussilage et ainsi l’éliminer. Vous aurez plus de succès à couper, encore et encore, toute feuille qui apparaît, ce qui aura comme effet d’épuiser peu à peu le rhizome. »

Au jardin, le tussilage peut compliquer les récoltes, mais au niveau médicinal, nous pouvons nous en accommoder et profiter de ses bienfaits.

Propriétés médicinales

Le tussilage est utilisé en médecine traditionnelle chinoise (MTC) depuis plus de 2000 ans particulièrement pour la santé ORL, respiratoire et digestive. Les russes, les Balkans et les scandinaves y ont recours encore régulièrement.

Son apparition au printemps est une bénédiction autant pour les abeilles que pour nous. Au sortir de l’hiver notre organisme est parfois dévitalisé alors que la saison des virus est toujours bien là. Se préparer une bonne infusion de ses fleurs et/ou de ses feuilles permet de calmer la toux, de soulager des bronches irritées par son effet émollient et astringent, de faciliter l’expectoration du mucus et de libérer la respiration par son effet bronchodilatateur. Les fleurs sèches de tussilage font partie de la fameuse « tisane des 7 fleurs » (tussilage, molène, guimauve, mauve, coquelicot, pied-de-chat, violette) utilisée contre la toux et l’irritation des muqueuses respiratoires. D’ailleurs, le nom Tussilago (et donc aussi tussilage) vient du latin tussis (toux) et agere (chasser), car il «chasse la toux».

Son utilisation traditionnelle est aujourd’hui supportée par des études scientifiques tant in vitro que in vivo. La recherche pharmacologique a confirmé ses propriétés :

• anti-inflammatoire. Cette action vise particulièrement les voies respiratoires. Le tussilage sera donc indiqué en cas d’inflammations de la sphère ORL (pharyngite, laryngite) et dans les bronchites aigues.
• antitussive: en cas de toux sèche
• expectorante : et oui si la toux est humide la plante va au contraire aider à libérer les sécrétions
• anti-oxydante
• anti-microbienne
• cardioprotectrice
• anti-aggrégante plaquettaire
• neuro-protectrice. Ses propriétés anti-oxydante et inhibitrice sur la production de monoxyde d’azote pourraient être responsables de cet effet neuroprotecteur de la plante.

 

Les analyses quantitatives ont révélé une présence importante en plus de 150 molécules phytochimiques protectrices pouvant expliquer ces propriétés :

• des polysaccharides antiinflammatoires, émollients et immunostimulants (mucopolysaccharides, pectine, et inuline)
• des sesquiterpènes antiinflammatoires (tussilagone et faradiol)
• des acides phénoliques aux effets antioxydants (dont l’acide chlorgénique, l’acide caféique et l’acide di-caffeoylquinique. Ce dernier contribuerait à ses effets antitussif),
• des flavonoïdes à l’action antiinflammatoire et antispasmodique (dont particulièrement le kaempferol, la quercétine et leurs dérivés glycosylés),

 

Tussilage et précaution d’emploi

La recherche a aussi révélé la présence d’alcaloïdes pyrrolizidine (APs) mais à des taux très variables. Plusieurs espèces de plantes produisent ces molécules afin de se protéger des herbivores. Ingérées en grande quantité et de façon fréquente elles s’avèrent hépatotoxiques et carcinogène. Les produits dérivés des APs peuvent mener à un dysfonctionnement cellulaire et un blocage des veines par prolifération de tissu conjonctif. Pour le tussilage, peu de cas d’effets secondaires graves liés à son utilisation ont été observés. Les cas rapportés concernaient soit des bébés, des femmes enceintes ou une utilisation sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Il semble donc prudent d’éviter le tussilage pendant la grossesse, l’allaitement, chez les jeunes enfants, ainsi que chez les personnes ayant des problèmes de foie. Pour l’adulte bien portant, nous privilégierons une consommation ponctuelle circonscrite dans le temps. Ne pas dépasser un mois d’utilisation.

Le tussilage est une plante facile à trouver auquel des communautés culturelles variées ont eu recours traditionnellement. Présentant de belles qualités pour les affections touchant les sphères ORL et respiratoire, nous l’utiliserons dans ces cas mais de façon ponctuelle afin de ne bénéficier que de ses bienfaits.

Références :

Chen S, Dong L, Quan H, Zhou X, Ma J, Xia W, Zhou H, Fu X. A review of the ethnobotanical value, phytochemistry, pharmacology, toxicity and quality control of Tussilago farfara L. (coltsfoot). J Ethnopharmacol. 2021 Mar 1;267:113478. doi: 10.1016/j.jep.2020.113478. Epub 2020 Oct 16. PMID: 33069788; PMCID: PMC7561605.

Lim HJ et al. (2014). In vitro neuroprotective activity of sesquiterpenoids from the flower buds of Tussilago farfara. Journal of Enzyme Inhibition and Medicinal Chemistry 30 (5): 852-856.

Yang, L.; Jiang, H.; Wang, S.; Hou, A.; Man, W.; Zhang, J.; Guo, X.; Yang, B.; Kuang, H.; Wang, Q. Discovering the Major Antitussive, Expectorant, and Anti-Inflammatory Bioactive Constituents in Tussilago farfara L. Based on the Spectrum–Effect Relationship Combined with Chemometrics. Molecules 2020, 25, 620. https://doi.org/10.3390/molecules25030620