Hypertension. L’alimentation peut-elle influencer la pression artérielle?

par | Habitudes de vie, Texte avancé pour thérapeutes ou professionnels de la santé

Hypertension. L’alimentation peut-elle influencer la pression artérielle?

Nous connaissons tous au moins une personne faisant de l’hypertension. Et avec raison : cette condition touche près de 1 adulte sur 4 au Canada, et environ les trois quarts des personnes de plus de 65 ans. Certaines prédispositions génétiques, maladies ou encore l’âge peuvent expliquer cela, mais chez plusieurs personnes une grande part est attribuable aux habitudes de vie. Dans cet article, nous nous intéresserons d’abord aux conséquences possibles de l’hypertension. Ensuite nous chercherons à répondre à la question suivante :

Est-ce que l’alimentation peut influencer la pression artérielle?

Et si oui, est-ce que certains choix alimentaires peuvent aider à faire baisser la pression artérielle ?

La tension artérielle

Pour rappel, la pression sanguine définit la force exercée par le sang sur les parois des vaisseaux, par unité de surface. La mesure de la pression artérielle donne deux valeurs :

  • La plus élevée indique la pression maximale dans les artères, atteinte lorsque le cœur se contracte (systole).
  • La 2e valeur, plus basse, indique la pression minimale dans les artères, atteinte juste avant que le cœur ne se contracte à nouveau (diastole).

La pression artérielle est donc enregistrée en tant que pression systolique et pression diastolique. La valeur normale de la pression artérielle étant de 120/80.

La pression artérielle, un mécanisme finement contrôlé

La pression artérielle est contrôlée à chaque instant par le système nerveux autonome, nos surrénales et nos reins. Sans entrer dans tous les détails physiologiques, disons que ce trio régule la pression artérielle selon les besoins en modifiant :

  • La quantité de sang pompée par le cœur
  • Le diamètre des artères
  • Et le volume de sang circulant

Notre système nerveux autonome, centrale dans cette régulation, est divisé en deux parties complémentaires et opposées soit le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique. Le premier prépare l’organisme à l’action, faisant monter la tension artérielle, alors que le second prédomine dans des situations calmes permettant le repos, la digestion et la régénération. Il abaisse la pression artérielle.

L’hypertension, ce tueur silencieux

L’hypertension (HTA) correspond à une pression trop élevée dans les vaisseaux sanguins. Cette condition peut être grave si elle n’est pas améliorée. Entre 121 et 139 (TAS) ou 81-89 (TAD) on parle de préhypertension. Ce diagnostic médical permet d’identifier les personnes à haut risque de développer une HTA. Il ne nécessite pas un traitement pharmacologique, mais une recommandation ferme de modifier ses habitudes de vie. À partir d’une pression de 140 (TAS) et/ou 90 (TAD) mesurée à 2-3 reprises, le diagnostic d’hypertension est posé.

L’hypertension est l’une des premières causes de décès prématuré dans le monde. Nous l’appelons d’ailleurs le tueur silencieux.

L’hypertension peut entraîner des répercussions sur le cœur. Une pression artérielle continuellement élevée augmente le travail du muscle cardiaque pour maintenir un débit normal. À terme, cette situation peut conduire à un épaississement de la paroi du ventricule gauche, une augmentation de sa masse et une perte de contractilité. Cette hypertrophie ventriculaire gauche peut progressivement mener à une insuffisance cardiaque.

Une pression sanguine excessive aura aussi un impact négatif sur l’ensemble des artères de l’organisme. En effet, la force augmentée exercée sur les parois des artères peut les endommager entraînant leur épaississement et leur durcissement, et favorisant ainsi le développement de l’athérosclérose. Éventuellement, cela aura pour effet de diminuer le flux sanguin ainsi que l’apport en oxygène et en nutriments vers les organes. Ce processus peut mener au développement d’une :

  • néphropathie,
  • rétinopathie,
  • démence,
  • dysfonction érectile,
  • etc .

Finalement, l’athérosclérose, entretenu par l’HTA, peut s’intensifier et entraîner un accident vasculaire cérébral (AVC), un infarctus, une embolie pulmonaire, etc. Bref, vous aurez compris que c’est une condition à prendre au sérieux.

Nos habitudes de vie peuvent-elles influencer notre pression artérielle?

Si la génétique a eu le dos large, nous comprenons aujourd’hui que si elle peut nous prédisposer à développer certaines maladies, ce n’est pas non plus une fatalité dans bien des cas. Il faut cependant offrir à son organisme les conditions pour son équilibre. La consommation excessive de sodium ainsi que le tabagisme sont connus depuis longtemps comme des facteurs favorisant la HTA. Nous savons que la nicotine contenu dans le tabac exerce un effet adrénergique similaire à la stimulation par le système sympathique. Comme nous l’avons vu précédemment, cela fait monter la pression artérielle. Le sodium tant qu’à lui provoque une rétention d’eau, augmentant le volume de sang dans les vaisseaux sanguins. Chez les gens concernés par ces deux habitudes, il a été observé, à la suite de l’arrêt du tabac et/ou de la diminution des apports en sodium, une diminution nette de la pression sanguine. (1)

Au cours des dernières décennies, la détection, le traitement et le contrôle de l’hypertension ont fait de grands progrès mais, en comparaison, bien peu de travaux ont été faits au niveau de la promotion de la prévention primaire. Or, des résultats d’études de plus en plus nombreux indiquent qu’une saine hygiène de vie pourrait favoriser une tension artérielle plus normale.

Une étude canadienne de grande envergure

Prenons en exemple une étude d’envergure publiée par le gouvernement canadien en 2019. (2) Le but était d’évaluer dans quelle mesure une prévention primaire pourrait constituer une stratégie efficace pour réduire le fardeau de l’hypertension. Cette enquête canadienne sur les mesures de la santé a révélé que la plus grande fraction étiologique du risque d’hypertension est attribuable aux facteurs suivants :

  • L’embonpoint ou l’obésité,
  • Une faible consommation de fruits et légumes (< de 5 par jour),
  • La sédentarité (< de 150 minutes d’activité physique modérée à vigoureuse par semaine),
  • La maladie rénale chronique,
  • Le diabète.

Selon leurs résultats, la prévalence prédite de l’hypertension chez les personnes cumulant ces facteurs de risque s’élèverait à 55 % chez les femmes et à 44 % chez les hommes de 20 à 39 ans. Chez les personnes de 70 à 79 ans, la prévalence monterait à 80% chez les femmes et à 76 % chez les hommes. De plus, le risque d’hypertension s’accroît de façon linéaire avec chaque exposition additionnelle. Les chercheurs mentionnent aussi ceci :

« Il s’agit de la première étude basée sur la population qui est menée au Canada et qui examine les risques évitables associés à l’hypertension. Cette étude est aussi la première à quantifier la fraction étiologique du risque de l’hypertension qui est évitable. »

Beaucoup de ces facteurs de risque sont en effet évitables/modifiables dont l’alimentation. Cette enquête n’a analysé que la quantité de fruits et légumes consommés. Les résultats auraient-il été encore plus parlants si avaient été pris en compte l’équilibre des gras ainsi que leur qualité, le % de repas préparés maison vs achetés tout fait, la quantité de sucre ajouté, etc?

Nos choix alimentaires peuvent-ils aider à faire baisser la pression artérielle?

Une méta-analyse publiée en 2020 par le département de cardiologie d’Athènes s’est intéressée de près au régime DASH ( Dietary Approaches to Stop Hypertension ).(3) Ce dernier est souvent mentionné comme modèle d’alimentation pouvant aider à prévenir ou à traiter l’hypertension artérielle. L’équipe de chercheurs a conclu que le régime DASH pouvait en effet diminuer de façon significative la pression artérielle tant systolique que diastolique. La diminution était encore plus marquée chez les participants montrant des mesures de départ et/ou un IMC plus élevé. Les participants hypertendus ont vu leur pression systolique diminuer en moyenne de 11,4 mm Hg et leur pression diastolique de –5.5 mm Hg. Or, ce régime ne réinvente pas la roue et n’a rien d’extravagant: à quelques détails près, il recoupe l’actuel guide alimentaire canadien. (4) De plus, ses principes de base ressemblent au régime méditerranéen, (5) ayant lui-même démontré des effets positifs sur la santé cardiovasculaire.

Tant le régime méditerranéen que le régime DASH préconisent :

  • une abondance de légumes et de fruits frais,
  • des grains entiers par opposition à des grains raffinés,
  • un bel équilibre des gras en intégrant des noix, des graines, de l’huile d’olive extra-vierge, du poisson,
  • des sources de protéines variées en incluant du poisson et des sources végétales comme les légumineuses,
  • de consommer surtout des repas préparés maison,
  • de boire de l’alcool avec modération,
  • et de finalement manger des gâteries sucrées occasionnellement.

La diète DASH se distingue du régime méditerranéen par une :

  • faible consommation de sodium,
  • des produits laitiers à faible teneur en gras et des viandes maigres,
  • et le fait de portionner les différentes catégories d’aliments (nb de portions/j)

L’objectif derrière le fait de choisir des viandes maigres et des produits laitiers à faible teneur en gras est de limiter ses apports en omégas 6, de type acide arachidonique pro-inflammatoires, ainsi que les acides gras saturés.

Et le régime paléolithique?

D’autres études ont aussi révélé l’impact positif du régime paléolithique sur l’ensemble des paramètres de la santé métabolique, dont la pression artérielle. (6-7) Dans ce mode alimentaire, les végétaux y sont aussi abondants, ainsi que la préférence pour la cuisine maison et un bel équilibre des gras. En retirant les grains céréaliers, ainsi que les légumineuses, cela a pour effet d’enlever deux aliments particulièrement riches en acide gras arachidonique : le maïs et le soya. Dans cette façon de s’alimenter, il y a souvent une baisse importante des apports en glucides, dû au retrait des grains céréaliers.

Les bienfaits sur la pression artérielle de ces trois régimes pourraient résider dans (8) :

  1. leur richesse en molécules anti-inflammatoires et antioxydantes telles que la vitamine C, β-carotène, le resvératrol, les tocophérols, polyphénols et en anthocyanes.
  2. le faible ratio en acides gras oméga-6 sur oméga-3 permettant de limiter la production excessive de métabolites pro-inflammatoires dans l’organisme.
  3. Le fait de manger des repas cuisinés maison diminuant ainsi la quantité de sodium, de sucre et de mauvais gras. Les repas de restaurant et les produits industriels peuvent contenir une quantité importante de sodium. Cuisiner permet aussi d’éviter des apports inutiles en divers additifs de type émulsifiant, colorant, épaississant, etc. De plus en plus de données scientifiques établissent un lien de corrélation entre la consommation d’aliments ultratransformés et l’apparition de maladies chroniques tels que le diabète de type 2 et l’hypertension. (10), sans parler des effets sur les fonctions cognitives. Ajoutons que les repas maison sont la plupart du temps plus frais et plus nutritifs que ce que l’industrie nous offre.
  4. En augmentant les aliments végétaux (noix, graines, légumes, légumineuses), les apports en magnésium augmentent*.
  5. La richesse en fibres. Une méta-analyse récente (avril 2022) a conclu que des apports adéquats en fibres pouvaient aider à réguler la tension, tant systolique que diastolique, chez les hypertendus. (9) Les données analysées montrent un niveau de preuves de haute certitude. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ces résultats.
    • Les fibres peuvent diminuer l’absorption des gras et du cholestérol au niveau intestinal améliorant le profil des gras.
    • La hausse des apports en fibres vient probablement aussi d’une augmentation de la consommation de légumes. Il est alors probable que les apports en nitrates s’élèvent, augmentant du même coup le niveau d’oxyde nitrique aux effets vasodilatateurs.
    • Le pouvoir satiétogène élevé des fibres aide à diminuer les apports énergétiques, contribuant à un meilleur poids santé et à un IMC dans les normes.

*Impact du magnésium sur la pression artérielle (10)

Le magnésium est nécessaire à la relâche des muscles après leur contraction. Il contribue donc aussi à la détente des muscles lisses de nos artères, contribuant à abaisser la pression artérielle. Le magnésium réduit également la synthèse de l’aldostérone induite par l’angiotensine, ce qui peut abaisser la tension artérielle. De plus, des niveaux bas de magnésium ont été observés dans l’inflammation et le dysfonctionnement endothélial. L’hypothèse veut que cet état inflammatoire perturbe les parois artérielles favorisant l’HTA et l’athérosclérose.

Une méta-analyse datant de 2017 a constaté que la supplémentation en magnésium induit une diminution moyenne de tension artérielle systolique de 3-4 mm Hg et diastolique de 2-3 mm Hg. (11) Des études d’envergure ont tenté de démontrer l’impact positif des aliments riches en magnésium sur la pression artérielle, mais ils ont été confrontés au fait que ces aliments sont aussi riches en potassium et en fibres, deux autres éléments contribuant à une saine pression artérielle. Si c’est un problème pour le modèle d’étude, ça en n’est pas un en naturopathie puisque nous nous intéressons avant tout aux aliments dans leur intégrité et à la synergie entre les nutriments.

N.B. Tant que la tension artérielle sera trop haute il est très important de poursuivre la prise de la médication hypotensive. Comme nous l’avons vu, l’hypertension représente un risque important pour les artères et le cœur.

Conclusion

Il n’y a aucune garantie qu’un changement alimentaire renversera une hypertension ou mènera à la diminution du dosage d’un médicament. Or, les données que nous avons montrent clairement que le sevrage du tabagisme, des apports modérés en sodium, l’équilibre alimentaire et le fait de cuisiner maison sont des conditions propices à une meilleure régulation de la pression artérielle par l’organisme. Sans nécessairement devoir suivre un régime, inspirons-nous des principes clefs communs des trois régimes analysés dans cet article. C’est-à-dire que notre menu:

  • cuisiné maison sera composé d’une
  • abondance de fruits et de légumes frais (> de 5/j),
  • d’aliments riches en bons gras, dont des sources d’omégas 3,
  • et de protéines variées et bien présentes.
  • Nous boirons de l’alcool avec modération
  • et nous garderons les petites gâteries pour les occasions!

Concernant le sodium, le simple fait d’opter plus souvent pour des repas et des gâteries cuisinés maison réduira considérablement les sources de sodium. À moins d’être une personne qui utilise la salière abondamment, l’excès de sodium provient généralement des produits touts faits. N’oublions pas qu’à la base, notre organisme a besoin de sodium. Pour revenir à des apports adéquats, pensons à modérer la consommation de chips et autres grignotines salées, de sauces diverses, de charcuteries, de fromages, de viandes et poisson en saumure ou achetés marinés et à utiliser la salière avec discernement.😊

L’optimisation de l’alimentation de tous les jours peut compenser, du moins dans une certaine mesure, la prédisposition génétique à l’hypertension et l’apparition de séquelles cardiovasculaires subséquentes. Et encore, nous n’avons pas abordé l’impact du stress ni de l’activité physique! Ce sont ces mêmes habitudes qui permettront d’améliorer sa glycémie, la circulation cérébrale, la bonne gestion des gras par l’organisme, bref, qui peuvent avoir des effets préventifs sur l’ensemble de la notre santé métabolique et donc sur le développement des maladies chroniques.

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Références :

  1. He F.J., Li J., Macgregor G.A. Effect of longer term modest salt reduction on blood pressure: Cochrane systematic review and meta-analysis of randomised trials. BMJ. 2013
  2. Alexander A. Leung, Tracey Bushnik, Deirdre Hennessy, Finlay A.McAlister et Douglas G. Manuel Facteurs de risque de l’hypertension au Canada, 20 février 2019
  3. Strilchuk L, Cincione RI, Fogacci F, Cicero AFG. Dietary interventions in blood pressure lowering: current evidence in 2020. Kardiol Pol. 2020 Aug 25
  4. SIERVO, Mario, LARA, Jose, CHOWDHURY, Shakir, et al., 2015, Effects of the Dietary Approach to Stop Hypertension (DASH) diet on cardiovascular risk factors: a systematic review and meta-analysis. British Journal of Nutrition, 2015, vol. 113, no 01, p. 1-15.
  5. https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/
  6. De Pergola G, D’Alessandro A. Influence of Mediterranean Diet on Blood Pressure. Nutrients. 2018 Nov 7
  7. Boers, I. et coll. « Favourable effects of consuming a Palaeolithic-type diet on characteristics of the metabolic syndrome: a randomized controlled pilot-study », Lipids in Health and Disease, 2014, 13(1): p. 160.
  8. Frassetto, L.A. et coll. « Metabolic and physiologic improvements from consuming a paleolithic, hunter-gatherer type diet », Eur J Clin Nutr, 2009, 63(8): p. 947-955.
  9. Yannakoulia, M., M. Kontogianni et N. Scarmeas. « Cognitive health and Mediterranean: Just diet or lifestyle pattern? », Ageing Research Reviews
  10. Reynolds, A.N., Akerman, A., Kumar, S. et al. Dietary fibre in hypertension and cardiovascular disease management: systematic review and meta-analyses. BMC Med 20, 139 (2022)
  11. Linus Pauling Institut : https://lpi.oregonstate.edu/mic/minerals/magnesium
  12. Han H, Fang X, Wei X, et al. Dose-response relationship between dietary magnesium intake, serum magnesium concentration and risk of hypertension: a systematic review and meta-analysis of prospective cohort studies. Nutr J. 2017;

 

Nathalie Béringhs, ND.A.

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